Trois filles du même nom

Le désespoir naît vers neuf heures du soir et doucement, dans la nuit, les âmes errantes trouvent des bars ouverts où se faire croire qu'elles regagnent ce qu'elles ont perdu, où elles transforment le noir en fête lumineuse comme si la nuit n'existait pas, pour la punir d'avoir tout obscurci. Les âmes errantes se couchent tard et quand elles se lèvent, le jour est déjà là, apparu à leur insu.Pour tromper la solitude, le vide, le manque, l'une achète un chien, l'autre multiplie les aventures d'un soir. Quant à la troisième, elle se lie avec un vieil homme par curiosité. Mais les vieillards ne sont pas tous bons et sages, les petits chiens peuvent être aliénants et la succession des corps ne fait qu'accentuer le désarroi.Franche, directe, parfois crue mais sans exhibitionnisme, l'écriture de Suzanne Lantagne refuse la complaisance. Empruntant aussi bien au passé qu'au présent, les scènes se succèdent avec rapidité pour créer un rythme fascinant. Ce va-et-vient à petites touches, par à-plats, donne à la réalité ambiante la texture patinée du souvenir et au souvenir la densité du présent.