Ne Sommes-Nous pas Québécoises?

En écho au brillant Ne suis-je pas une femme? de bell hooks, ouvrage pionnier exposant la double oppression vécue par les femmes noires des États-Unis, Rosa Pires signe un premier essai original, personnel et approfondi sur une thématique brûlante. Née au Québec de parents immigrants portugais, fervente indépendantiste et grande amoureuse du Québec, quelque chose en elle s'est cassé au moment de la Charte des valeurs; elle a commencé à se sentir étrangère en son propre pays. Dans le cadre de ses études en science politique, elle décide alors de mener une enquête auprès de dix femmes racisées et engagées afin de sonder leur point de vue sur les inégalités, l'appartenance, l'identité et la question nationale. Femmes au parcours peu banal et aux convictions profondes, elles se révèlent blessées par des années de polémiques. Toutes rêvent du moment où leur corps, leurs vêtements, leur accent ou leur nom cesseront d'être un marqueur d'étrangeté et de rejet. Elles revendiquent leur place comme Québécoises. À part entière. On me demande: d'où viens-tu? Es-tu latina? Tu parles espagnol? Dans les rues de Montréal, on me parle français, on hésite à me parler anglais puis on m'aborde parfois en arabe, souvent en espagnol et rarement en portugais. J'ai d'abord été une néoquébécoise, puis une personne d'une communauté culturelle, une Québécoise issue de l'immigration et aussi une personne d'une minorité ethnoculturelle. [...] Dans mon quartier de Côte-des-Neiges, j'étais une blanche. À Outremont, j'étais une fille d'ouvriers portugais égarée dans un collège privé pour enfants de diplomates. À Québec en 1994, j'ai changé de couleur. [...] Alors la question s'est posée de nouveau: suis-je une femme racisée? Qui me définit? [...] En travaillant à la permanence du Parti québécois (PQ) puis au sein d'un regroupement féministe provincial, j'ai senti ce malaise croître. «Comment t'as fait pour travailler là?» Rosa Pires a oeuvré pendant plus de 18 ans sur les enjeux d'inclusion des Québécois issus de l'immigration et l'égalité hommes-femmes. Elle a été attachée politique, chargée de projets au sein mouvement communautaire québécois, agente de programmes sur la démocratie municipale et coopérante au Mozambique. Elle est aujourd'hui chargée de cours à l'École des affaires publiques et communautaires de l'Université Concordia.