Éléments pour une esthétique de la chair

Un livre, selon le mot de Kafka, doit être comme la hache pour briser la mer gelée en nous. C'est à une pareille exigence que répond cet essai, coup porté à notre pensée endormie, à notre chair morte, viande sans plus d'affect. L'auteur ne s'épargne lui-même jamais, dans une volonté d'ébranler toujours à la fois sa pensée et son écriture. Martin Tailly développe ici une théorie esthétique de la chair, à partir d'oeuvres- littéraires, picturales, cinématographiques, musicales - dont la cruauté et la violence rendent possible, chez le spectateur, une prise de conscience critique, qui, dans la constellation de ses éléments, demeure vivante, conserve de la chair mortelle le mouvement inquiet. Fidèle à l'exigence esthétique et critique des premiers romantiques allemands, l'écriture, privilégiant, par la pratique du montage et de la digression, à la fois le heurt et l'expression des mots et des idées, participe de cette pensée vibrante du vivant en chair et en os pour sortir le langage de la sclérose de l'habitude et lui redonner le pouvoir d'ouvrir, de la pensée, les yeux de chair.