Écrire, aimer, penser

Tous les écrivains, hommes et femmes, ici rassemblés sont certes d'abord des gens d'une pratique (ils ont du métier avec le roman, la poésie, le théâtre, la philosophie, la psychanalyse, l'enseignement...). Ce sont des gens exercés qui, en raison même de leur expérience, en raison des blocages ou des fulgurances, parce qu'ils se sont confrontés bien des fois aux exigences du langage et du genre, parlent avec d'autres, se tournent vers un autre usage de la langue pour s'essayer ailleurs, autrement, sur « une autre scène », dirait la psychanalyse avec Nicolas Lévesque. Pour découvrir et comprendre un peu mieux ce qu'ils ne saisissent pas encore. Pour se sentir appuyés, informés aussi, et peut-être même réconfortés. Du même coup, sur cette « autre scène » que deviennent le livre des autres et, pour eux, le carnet, le journal, le fragment, l'essai tout compte fait, ils ne cessent d'interroger l'acte de créer, ses possibilités, ses embûches, ses exigences, et tout ce qui rend nécessaire, urgent, inévitable, pour eux, pour elles, l'usage des mots. Avec ces méditations qui sont des « promenades accompagnées », selon une belle expression de Robert Lalonde, l'essayiste sait aussi, d'expérience et par ses lectures, ne plus être seul. Il formerait avec les siens, selon un mot de Jan Patocka retenu par Étienne Beaulieu dans L'âme littéraire, la « communauté des ébranlés ». Au lieu d'être le seul « penseur de soi-même par l'entremise de la culture », il devient « un penseur de la culture s'étant égaré lui-même ». L'essai littéraire alors, plus qu'une mise à l'essai des idées, est une recherche, une mise à l'essai d'une subjectivité qui cherche à même le langage sa place dans la cité. Entretiens de Gérald Gaudet avec Étienne Beaulieu, Jacques Brault, François Dumont, Louise Dupré, Madeleine Gagnon, Robert Hébert, Suzanne Jacob, Robert Lalonde, Monique LaRue, Nicolas Lévesque, Yvon Rivard et Pierre Vadeboncoeur.