Ces récentes années, les grands dangers qui ont menacé la création plastique ont été - sont toujours - la peur de n'être pas à la page, le charabia des critiques, le hautain snobisme des grandes galeries, l'argent.[...] Ce que j'aime et admire dans l'aventure du Centre d'Art Présence Van Gogh, c'est que sa façon de choisir, de montrer et d'agir va à l'encontre des tentations mauvaises de l'époque. Être électrique, prendre son temps, honorer les artistes et les visiteurs comme seul « un musée » sait le faire : ce sont de belles et bonnes façons de lutter contre les dangers dénoncés en commençant. Éclectisme, on ne le dira jamais assez, veut dire liberté. L'éclectisme c'est aussi la cohabitation de styles différents, le voisinage des vivants et des disparus, la tolérance, l'ouverture. Au cours de ses dix années d'existence le Centre d'Art Présence Van Gogh a exposé les oeuvres d'une trentaine d'artistes. Certains appartiennent à l'histoire de l'art, comme Cappiello, Monticelli, Lautrec. Les autres, d'Alessandri à Lesieur, de Gleizes à Coulentianos, de Buffet à Leroy, de Courtin à Muhlstein, nous sont tout proches. Je ne me livrerai pas à l'énumération de ces trente-quatre artistes, leur liste est dressée ailleurs et leurs oeuvres sont à la cimaise de l'hôtel Estrine. [...] Ce que je puis dire par contre, c'est que je vois, aux murs de l'hôtel Estrine, l'évidence d'un goût, d'une discipline, je dirai : d'une morale. À chacune de ces oeuvres furent offerts trois mois d'exposition, dans le recueillement et la perfection d'une technique muséographique parfaite. Tout cela à l'écart des préoccupations mercantiles, et dans un lieu d'une grande beauté.Ce lieu, pour finir, parlons-en ! L'hôtel Estrine, bâti au XVIIIe siècle pour loger les représentants des Princes de Monaco, qui sont marquis des Baux et seigneurs de Saint-Rémy, se trouva à vendre il y a une vingtaine d'année. Je m'étais mis dans la tête de l'acheter. Visites, nouvelles visites, hésitation, fascination et timidité : quand nous nous décidâmes, l'hôtel Estrine s'était envolé depuis deux jours vers son nouveau destin... J'en eus du regret, mais quand je vis en 1989 l'architecte Serge Klimenko le restaurer si bien, puis le Centre d'Art Présence Van Gogh en faire un si bel usage, je me consolai. Il n'importe : j'ai un petit battement de coeur toutes les fois que je franchis le seuil d'Estrine. Je n'ai pas l'impression « d'entrer chez moi », non !, mais de retrouver les fruits d'une ambition et d'un savoir-faire que j'aime. Puisse chaque visiteur partager ce bonheur.François Nourissier de l'Académie Goncourt (Extrait du catalogue de la collection édité en juillet 1999).Le musée Estrine est installé depuis 1989 dans un bel hôtel particulier du XVIIIe siècle à Saint-Remy de Provence. Afin de pouvoir présenter sa collection permanente due à la générosité des artistes et de plusieurs mécènes, le musée bénéficiera en 2012-2013 d'importants travaux d'aménagement et d'agrandissement. Durant les travaux, une partie de la collection sera montrée à la galerie d'Art d'Aix-en-Provence, à l'occasion d'une exposition documentée par cette publication.En dehors du fonds d'une trentaine d'oeuvres du peintre cubiste Albert Gleizes, exposé en permanence, le musée Estrine possède une collection constituée de plus de 250 peintures, près de trois cents oeuvres d'art graphique, de plusieurs sculptures et d'une belle collection de livres de bibliophilie. La centaine d'artistes représentés dans la collection constitue un panorama éclectique de la production picturale des années cinquante à nos jours. Parmi les peintres les plus connus sur la scène nationale, on peut citer Bernard Buffet, Jacques Doucet, Eugène Leroy, André Marchand, Édouard Pignon, Paul Rebeyrolle, Léon Zack ou encore Vincent Bioulès et Jean-Pierre Pincemin. Certains des artistes de la collection ont été retenus pour une filiation revendiquée à la figure de Vincent van Gogh et le souvenir du séjour de ce dernier à Saint-Rémy est évoqué dans une salle pédagogique distincte des salles d'exposition.